L’équilibre n’est pas un état, dans lequel on serait
figé, mais un processus dynamique fait d’ajustements. Il est plus juste dire qu’on
se rééquilibre, en permanence. Pour cela, le mieux est de laisser faire. Nous savons faire cela, il suffit de nous en donner
la liberté et surtout le temps. Laisser exister ce temps de rééquilibrage, et
non sauter d’un point à un autre en espérant qu’on sera plus ou moins sur son
axe à l’arrivée. Très concrètement, cela consiste à transférer son poids complètement sur le nouvel appui avant de ramener
la jambe libérée, et finalement de rassembler. Le rassemblé n’est que le
résultat final d’un transfert bien accompli, et non une forme à exécuter sans
comprendre ce qu’on fait, c'est-à-dire sans rapport avec le processus normal de la marche.
Transférer son poids avec les deux appuis au sol, c’est
ça le premier secret de l’équilibre. On utilise parfois l’image d’un
transvasement d’un récipient dans un autre. Et on comprend bien que cela nous
donne toutes les possibilités de modulation musicale. Le deuxième secret, c’est
que l’homme va laisser la femme accomplir son transfert avant lui, ce qui fait
que le couple ne se trouvera jamais dans la situation d’équilibre précaire où
les deux se trouvent en même temps en fin de transfert de poids, c'est-à-dire chacun sur un seul appui. D’où
cette particularité du tango dans lequel les deux partenaires sont dans des
temporalités légèrement différentes.
Pour la femme cela signifie prendre, ou faire exister
ce temps de transfert, une fois reçue l’invitation de déplacement proposée par
l’homme. Pour l’homme, cela exige de donner à la femme ce temps de
réponse dont elle a besoin. C’est d’ailleurs cette attention portée au
mouvement de la femme qui donne à l’homme une danse tranquille, et qui permet
au couple de développer des mouvements harmonieux et agréables. C’en est la
condition sine qua non.